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Léonie BLÉAS-LANSONNEUR (1933-2018)

La tragédie de Traon Brouen

Léonie est née le 29 septembre 1933 à Plougonvelin de Jean-François Bléas et de Marie-Françoise Arzur. Jean-François lui est né en 1901 à Locmaria-Plouzané, fils d’Athanase et d’Anne Perrot. Marie-Françoise est, elle, de Plouarzel où elle est née en 1904 et où ils se marient en 1930.

Les parents s’installent à Plougonvelin où naissent les cinq enfants de la fratrie : Athanase, Léonie, Yves-Marie qui décède à 2 jours, Marie-Claire et Francine la petite dernière en 1941.

La famille est installée, en location, dans la ferme de Traon-Brouen qui appartient à la famille de Cacqueray-Valmenier, héritée des de Riverieulx.

C’est là que la guerre les surprend, en 1939, avant que la petite Léonie ne commence à fréquenter l’école des sœurs.

Un événement tragique va venir bouleverser à jamais et marquer pour la vie, l’enfant. Laissons-lui la parole ou plutôt l’écrit :
« Le 24 juin 1944 à 2 heures du matin le bruit d’un avion se fait entendre, il s’éloigne, les projecteurs s’éteignent, tout redevient calme et le ciel est dégagé. Papa hésite pour se rendre à l’abri et renonce, rassuré par la fin du raid, il essaie de s’endormir et n’y arrive pas. Une quinzaine de minutes plus tard, un bruit très lointain, les enfants dorment, là, un bombardier s’approche et le bruit des moteurs n’est pas régulier. C’est comme s’ils avaient des ratés.
Papa, même s’il trouve anormal, ne s’inquiète pas trop, et soudain le projecteur de Ty-Baol, à peine à 300 mètres de la ferme, allume son faisceau et détecte l’appareil dans sa lumière blanche. Le bombardier poursuit sa route en gardant le même cap et la DCA reste silencieuse, certainement touché alors qu’il arrivait près de la côte nord du Finistère.
Le quadrimoteur britannique EF 188 du Squadron 149 de la RFA est en détresse, les témoins qui observent sa progression le voient entouré de flammes, deux membres de l’équipage semble-t-il auraient sauté en parachute au-dessus de la mer.
Cinq aviateurs sont toujours à bord dans l’impossibilité de quitter l’appareil. Cet appareil, un bombardier Sterling, mouilleur de mines en mission de largage dans la rade de Brest, était toujours prisonnier des projecteurs de Ty-Baol. Les Allemands effrayés par la trajectoire de l’appareil qui le conduit sur eux, éteignent leurs spots de lumière et se précipitent dans leurs abris.

À Traon-Brouen alors, tout va très vite. L’appareil percute les arbres à mi-hauteur et se fracasse sur l’étage de la maison où dorment les enfants. Le toit est projeté sur l’aire. Une torche gigantesque s’élève au-dessus de la ferme. Les balles de mitrailleuses crépitent partout dans les flammes.

Les aviateurs projetés ou prisonniers sont morts affreusement brulés. Ils seront extraits des décombres, l’un d’eux sera retrouvé dans un champ.

Papa affreusement brulé en franchissant le mur en flammes, cerné de tous les côtés, se croyant le seul survivant se rend chez sa belle-sœur à Kerganou. Il lui demande d’aller voir ce qui se passe à 200 mètres de là. Elle aperçoit sa sœur Soaz et moi qui arrivons …

Des voisins se dépensent sans compter malgré les dangers, toute la nuit à la recherche de tout signe de vie. Malgré leurs efforts, Athanase 13 ans, Marie Claire 6 ans et Francine 3 ans restent introuvables, sans doute calcinés. Jean Minguy, 22 ans, de Kervénoc, est, retrouvé sous un mur.

Papa décèdera le 25 juin au soir.

Après quelques semaines passées à la clinique, maman et moi revenons à la ferme, entourées de la famille …  » [1]

Léonie et sa mère reviennent à Traon-Brouen où madame Bléas assure la continuité de l’activité agricole.

Voici ce qu’écrit à ce sujet, Jean Leizour, un ami de Locmaria : « Et puis, une chaîne de solidarité, animée et suivie par Jean Lamour, se met en place pour récolter la moisson, labourer les champs, soigner le cheptel. Cette somme de dévouements bénévoles a largement été inspirée par le caractère tragique du drame qui a frappé cette ferme … et puis, la mère et la fille, après une courte période de repos et de détente auprès de la famille, reviennent s’installer à Traon-Brouen pour réaliser la promesse faîte au père avant sa mort. Installée d’abord dans une grange puis dans une baraque en bois qui leur a été allouée, elles feront face courageusement à la vie.
Comment ne pas s’émerveiller de l’élan de générosité du monde agricole d’abord et comment ne pas admirer le courage, la grandeur d’âme, l’extraordinaire ténacité face à la souffrance physique et morale de l’épouse de Jean-François.
Elle qui a vu s’effondrer, en si peu de temps, tout l’espace de bonheur qu’elle s’était patiemment tissé pour ses enfants, fil après fil ; elle qui s’est retrouvée seule dans la vie pour diriger son exploitation agricole ; elle que la tragédie aurait pu briser à jamais, courageusement et avec une force d’âme hors du commun, pour le bonheur de sa petite Léonie, le seul enfant qui lui restait, elle luttera, elle vivra. Le cœur lourd de chagrin, elle dominera sa peine. Si la blessure du cœur ouverte le 24 juin se cicatrisera avec le temps, il lui restera toujours, bien sûr, la mémoire vivace de ses chers disparus. …
… Enfin, ému par le côté tragique de ce drame, un comité de Glasgow, sous l’égide de Miss Anderson et Lord Inverclyde, ayant pour objet d’essayer de panser les plaies des enfants les plus durement frappés par la guerre, a sélectionné Léonie Bléas pour un séjour de trois mois en Ecosse. Quinze autres petits orphelins ont, comme elle, pris l’avion au Bourget, le 3 mai 1946.
 » Léonie, toutefois, avait le cœur lourd de se séparer de sa maman.

Extrait de la presse britannique

Léonie épousera plus tard, le 9 septembre 1952, à Plougonvelin, Joseph Lansonneur. Ils auront trois filles, Francine, Éliane et Claire, 8 petits-enfants et 18 arrière-petits-enfants. Nouvelle épreuve en 1953 après la naissance d’Éliane, Léonie doit subir une grave opération du cœur à l’hôpital Cochin à Paris. Il s’agit des débuts de la chirurgie cardiaque. Fort heureusement, ce fut un succès et le retour à la ferme intervient plusieurs mois plus tard.

Mariage en septembre 1952
Noces d’or en septembre 2002

Ce nouveau noyau familial aura apporté beaucoup de joie et de bonheur à Léonie et à Marie-Françoise décédée en janvier 1989. D’ailleurs, elles le disaient avec pudeur qu’elles n’auraient jamais imaginé se reconstruire de la sorte et que la foi leur avait donné la force de surmonter cette terrible épreuve.

Noces de diamant de Joseph et Léonie, à Plougonvelin - 2012
Noël 2014 entourés de leurs arrière-petits enfants

« J’ai beaucoup reçu, il est normal que je donne à mon tour » disait Léonie en toute modestie, une des raisons du nombre restreint des photos où nous pouvons la voir. Il y avait peu d’activités sociales et collectives sur la commune qui se passent sans elle. Elle était bénévole au sens le plus large et le plus chaleureux du terme, même si elle s’est investit plus particulièrement au profit du festival d’Armor, puis l’âge venant au sein du club de retraités « les Mimosas ». Cet engagement au service des autres a été reconnu en 2010 par l’attribution de la médaille de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif.

Léonie est décorée par le maire Israël Bacor - 2010

Le 16 avril 2018, Léonie rejoignait les siens moins d’un an après le décès de son mari, Joseph le 31 juillet 2017.

Rémy Le Martret
Plougonvelin, 15 septembre 2025


[1Notes personnalisées de Monique Vaillant