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Hippolyte, Augustin Hervé (1890-1984)

Un précurseur de la communication internationale

1922 - 1923 1938 - 1939 1950 1980

(coll. Hervé Le Guen)

Hippolyte est né le 16 février 1890 à Brest-Recouvrance, fils d’Hippolyte Hervé et de Victorine Alanou, dans une famille de "yannicks" (4 générations) aux lointaines origines trégoroises.

Il se marie à Saint Sauveur de Recouvrance le 10 juillet 1914 avec Marie MORVAN.

Ils ont trois enfants, Lucienne (7 mars 1915), Simone (6 novembre 1916) et Robert (21 mars 1918).

Décédé le 2 juin 1984 dans sa maison à Plougonvelin, Hippolyte est inhumé dans le cimetière de sa commune d’adoption.

Suivant une tradition familiale, ce fils premier né doit porter le prénom d’Hippolyte comme son père et son grand-père (marin dans la marine impériale qui convoyait les forçats en Nouvelle Calédonie).

En fait, il est Hippolyte IV... le premier est Hippolyte François, maître de manœuvre, chevalier de la Légion d’Honneur, né à Recouvrance en 1815, époux en 1839 de Françoise Emilie Lidou et fils de Pierre René Hervé, aide canonnier marin, natif de Lézardrieux en 1787 et décédé à l’hôpital maritime de Fort de France en 1817, embarqué sur la corvette du Roi "l’Echo".

Cependant il déteste son prénom et prénomme donc son fils Robert ce qui lui vaut une sévère admonestation de son père et de son grand’père lui reprochant de trahir ces ancêtres.

Son père est ingénieur de la Direction des Travaux Maritimes, il reçoit plusieurs affectations au Havre, à Indret, à Brest, à Paris et son fils passera donc une partie de son enfance sur ces différents sites.

A 14 ans il entre comme apprenti aux chantiers Dubigeon sur le port de commerce de Brest qu’il quitte ensuite pour suivre sa famille en région parisienne.

Âgé de 18 ans et ayant échoué au concours d’entrée à l’école des Ingénieurs des Arts et Métiers de Chalons sur Marne pour une note éliminatoire de 4 en Histoire, il contracte un engagement de 5 ans dans la Marine en 1908. Demeurant en région parisienne à Saint-Denis, il signe son engagement au Port de Cherbourg.

Possédant un niveau d’instruction élevé, niveau 5 à l’époque, on lui propose de

suivre une formation en électricité et un cours de déminage au centre de formation marine d’Hyères.

A la fin de ses cours, il opte pour une formation à l’école des radiotélégraphistes de la Marine à Toulon.

A l’issue de son contrat, en 1913, il est embauché à Brest par la Compagnie Française de Télégraphe de Paris à New-York universellement connue sous le nom de PQ, initiales de son fondateur Mr Pouyer Quartier ancien ministre des Finances. Il y est sans doute attiré et recommandé par son oncle, Mr. Paranque (époux d’une des sœurs de son père) lui-même employé de cette compagnie.

Son niveau d’instruction, ses formations et son expérience Marine en électricité et en télégraphie, sa connaissance pratique de l’alphabet morse (langage de communication, radio, électrique, sonore et optique, fait de successions d’impulsions brèves et longues en combinaisons pour former des lettres), toutes compétences peu courantes à l’époque, lui permettent d’accéder immédiatement à un niveau de cadre. A tel point qu’il continue à être, en partie, rétribué par sa Compagnie pendant toute la durée de la Première Guerre Mondiale.

Il se marie le 10 juillet 1914 avec Marie Morvan dont la mère Léonie tient un grand magasin de tissus et de confection de literie (matelas, édredons, oreillers....) dans le bas de la rue de la Porte à Recouvrance.

Il est mobilisé début août et reprend ses activités de radio télégraphiste au sein de laMarine.

Jusqu’en 1917 il reçoit successivement plusieurs affectations à Cherbourg,

Lorient et Nantes où il participe à la structuration des moyens de transmission radio de la Marine au combat (centre d’émission et de réception à longues distances, école de formation ...etc).

Courant 1917 il est affecté comme radio sur le Croiseur Cuirassé Edgar Quinet, basé en Grèce dans l’île de Corfou dans le cadre du soutien aux armées Serbes et Grecques malmenées par les offensives de l’armée Austro-Hongroise.

Il y obtient d’excellents résultats, en particulier dans l’établissement de liaisons directes difficiles avec l’état-major de la Marine à Paris, ce qui lui vaut, lorsqu’il contracte la grippe, d’être soigné à bord, sur ordre du Commandant, au lieu d’être débarqué au lazaret de Corfou où la mortalité est effroyable. Sa remise sur pied est saluée par tout le navire.

«  Vous avez bien failli ne pas avoir de grand père... » nous dira-t-il plusieurs fois par la suite.

Edgar Quinet-Marius Bar

Le Croiseur Cuirassé Edgar Quinet, navire de 13 500t lancé à Brest en septembre 1907

(Entre les deux mats on peut apercevoir la nappe des antennes filaires pour les liaisons à grandes distances optimisée par H.Hervé pour obtenir la liaison directe avec l’Etat-major de la Marine à Paris).

L’armistice du 11 novembre 1918 le trouve en escale à Venise où son bateau fait le plein de charbon.

Démobilisé, il reprend son service à la Compagnie des câbles, dans laquelle ces neuf années d’expériences Marine sont reconnues. Le Directeur de l’époque Mr Neyreneuf lui confie alors d’importantes opérations :

- Inspecter puis rédiger un rapport sur l’état de la ligne télégraphique aérienne

Brest-Brignogan fréquemment rompue par des chutes de branches d’arbres,

proposer une série d’actions à entreprendre et en surveiller le déroulement.

Cette ligne est extrêmement importante et rapporte beaucoup car elle assure

la suite terrestre de la liaison par câble avec l’Angleterre et permet aux

anglais d’emprunter, moyennant de bonnes rétributions, les câbles français

vers les deux Amériques.

- Mener à bien le chantier d’enfouissement d’une nouvelle ligne téléphonique

et télégraphique entre le centre d’exploitation de Brest et la Station de

Déolen. Cette ligne quitte Brest en franchissant, en particulier, la Penfeld

à l’Ile Factice et à la Chapelle Jésus. Il a la responsabilité de la coordination

avec les différentes autorités, de la conduite du chantier exécuté par des

terrassiers qu’il a lui-même recrutés, de la conduite de la pose du câble et

des essais finaux.

Dans ce premier quart du vingtième siècle, ces liaisons télégraphiques sont capitales pour l’économie mondiale ; elles seules permettent l’échange d’informations rapides et le passage d’ordres, en particulier de Bourse, en à peine plus d’une heure.

Les liaisons postales par bateaux puis trains nécessitent près d’une semaine entre New-York et Paris et l’aéropostale n’est encore que dans les esprits de quelques aventureux.

L’exploitation de ce réseau est donc très lucrative et génère d’importants profits. Les agents de la Compagnie, hautement spécialisés sur des techniques alors de pointe, font partie de l’aristocratie des employés et sont payés en Franc-or... c’est ainsi qu’Hippolyte Hervé peut offrir à sa jeune épouse des repas dans les restaurants fréquentés par la haute société Brestoise et par les amiraux... ce dont il n’est pas peu fier… « moi simple petit marin... !!! »

En famille à la plage à Sainte Anne vers 1923
(coll. Hervé Le Guen)
Fort de son aisance financière et de celle de son épouse, à l'image de l'aristocratie commerçante brestoise, il achète en 1921 un terrain au Trez-Hir (comme on dit à l'époque) à mi-côte en remontant vers Plougonvelin et y fait construire une maison de vacances qui sera le lieu privilégié de repos de sa famille... encore aujourd'hui.

Sur le perron de la petite maison en 1939-1940
De gauche à droite : Hippolyte, Marie sa femme, Victorine sa mère, Lucienne sa fille ainée
(coll. Hervé-Le Guen)

Il s’est acheté une barque, dénommée " le petit Robert " du nom de son fils, avec la quelle il fait de la plaisance et de la pêche. Celle-ci le conduit, un jour de l’été 1926, à porter assistance à l’amiral Guépratte et à sa compagne.

L’amiral avait accepté de donner le départ des régates organisées en baie du Trez-Hir mais, incompréhension ou retard imprévu, il n’était pas à bord du bateau directeur et se présente sur la plage du Trez-Hir sans moyens pour rejoindre son poste.....qu’à cela ne tienne, Hippolyte Hervé propose sa barque et transporte l’amiral ainsi que sa belle sur son dos pour éviter qu’ils ne se mouillent.

Cela lui vaudra une lettre autographe de remerciement du prestigieux amiral.

(coll. Hervé-Le Guen)

En 1928 il doit surmonter l’épreuve de la mort de son fils âgé de 10 ans, emporté par une implacable fièvre typhoïde le 12 septembre.

En juillet 1932, suite à une série de réorganisations et de réductions d’effectifs, il devient le Premier Adjoint du nouveau Directeur des stations de Brest et Déolen, Monsieur Édouard Bernard.

Vue générale de la Station de Déolen}
Le bâtiment d'exploitation est l'immeuble carré sur la gauche, la villa du Directeur est juste au dessus.
(coll. part.)

Durant les deux années 1932 et 1933 il assure, sous l’autorité de Mr Bernard,

l’implantation de l’ensemble des moyens d’exploitation et de contrôle dans le

bâtiment principal de la Station de Déolen, en vue du regroupement avec le Centre de Brest, pour des raisons d’économie et de simplification logistique.

Lors du week-end de Pentecôte 1933 la nouvelle salle d’exploitation est ouverte et le Centre d’exploitation de Brest ferme.

Des difficultés techniques (ruptures de câbles) et la crise économique ont raison de la situation florissante de la P.Q. Une grande grève éclate en 1934... pas question de quitter le navire dans la tourmente... les 3 cadres, aidés d’un technicien énergie, assurent seuls le service durant 45 jours au grand dam des grévistes... mais la P.Q. et son outil de travail sont sauvés, ce qui permet une renaissance dès 1935.


La salle d'exploitation de Brest en 1927
(coll. Bernard)

Station de Déolen
Salle de surveillance des relais recorder et régénérateurs Muirhead sur les liaisons duplex Paris et Londres avec New-York et Paris avec Dakar
(coll. Bernard)

Tout le personnel de la station est licencié le 20 juin 1940 à l’arrivée des allemands.

Opiniâtre, Mr Bernard assure seul, pendant toute l’occupation et les dangereux combats de la libération, la conservation et la sauvegarde du site et des matériels, aidé par un technicien énergie et le gardien Mr. Abarnou.

En 1942, le magasin de Brest est détruit par les bombardements, Hippolyte

Hervé se réfugie alors, avec sa famille, dans sa propriété du Trez-Hir.

Il y protégera sa famille et ses petits enfants, dont le père est entré au maquis, jusqu’à la libération en septembre 1944

En novembre 1944, Mr Bernard le rappelle à l’activité.

Il s’agit de réaménager le rez-de-chaussée du bâtiment principal pour permettre l’implantation d’une station d’exploitation des P.T.T. qui ont perdu leurs locaux dans la ville de Brest totalement détruite.

Mais la station de Déolen ne reprend complètement vie qu’en août 1947 avec la réintégration du personnel, après 7 années d’interruption, grâce à la remise en état des câbles Brest-Fayal et Brest–Angleterre.

Il y fait la connaissance de Eugène (dit Jim) Sévellec, inspecteur des P.T.T. mais aussi artiste multidisciplinaire très connu avec lequel il entretien de cordiales relations.

Le 30 mai I950 plusieurs des employés de la station reçoivent la médaille du Travail des mains de Mr Vergriete, P.D.G. de la Compagnie SUDAM.

1er rang g. à d. : Hyppolite Hervé, Emmanuel Turgot, Emmanuel Fouyet, Gaston Vergriète le Pdg de la SUDAM, Edouard Bernard, Léopold Turgot - 2ème rang g. à d. : Jules Péan, Paul Gloanec, Yves Picard, FélixNédélec, Jean Savina, François Pennec. (coll. Hervé Le Guen)

Un banquet est servi à l’Hôtel des Bains sur la plage du Trez-Hir où officie la

célèbre Madame Postollec.

A l’été 1954, non loin de ses 65 ans et donc de sa retraite, Hippolyte Hervé reçoit à son tour la médaille du travail, de vermeil cette fois, pour ses quarante années d’activités dans la station.

Il prend sa retraite à compter du 1er avril 1955 et peut ainsi soutenir la reprise de l’activité commerciale de sa femme et de sa fille Lucienne.

Le nouveau schéma de la ville en reconstruction quasi complète a raccourci la rue de la Porte de moitié, l’espace commercial Morvan, extrêmement réduit, est déporté sur le terrain gagné par la démolition des fortifications à proximité des nouvelles halles de Recouvrance.

Mais plus question d’abandonner le Trez-Hir dont il est devenu un inconditionnel ...

« Ici c’est un pays qui vous croche et ne vous lâche plus ».

A Brest en appartement, il s’ennuie et prend le car tous les vendredis, voire

quelquefois plus tôt, pour y retrouver ses chats et ne rentrer que le lundi ou le mardi.

Bien sûr, chaque arrivée en vacances des petits enfants est l’occasion d’une

réinstallation complète.

Plus tard, dans les années 1970, il ne quittera plus le Trez-Hir, seule sa fille Lucienne poursuivra son activité sur Brest.

Il s’éteint paisiblement le 2 juin 1984 dans sa 94ème année, son médecin, Alain Le Guen, dira il « n’y avait plus d’huile dans la lampe pour qu’elle brille encore ».

De ces près de trente années de retraite il avait dit « J’ai bien honte de vivre aussi vieux et de coûter si cher aux jeunes générations contraintes de me rétribuer pendant si longtemps

 »

Nous avons gardé un profond souvenir de ce merveilleux Grand père qui, entre

autres choses, nous récitait de mémoire les fables de La Fontaine et les poèmes de Victor Hugo.