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Le clergé de Plougonvelin en 1790

(Son attitude face à l’obligation du serment, son sort dans la tourmente)

Le clergé séculier de la paroisse de Plougonvelin en 1790, sans la paroisse de St-Mathieu alors distincte et la trêve de Lochrist-Le Conquet, étaient de 4 prêtres : un recteur, un vicaire, un prêtre habitué et un chapelain.

Dans la chronique du mois d’avril, a été décrit l’engrenage fatal qui conduisit à l’imposition d’un serment de fidélité : la confiscation des biens du clergé en novembre 1789 conduit à la promulgation d’une Constitution civile, et, devant les remous et protestations, il faut faire vite en révolution et compter ses partisans, à l’obligation du serment d’adhésion, exigé d’abord des ’seuls fonctionnaires publics’ en janvier/février 1791, puis de tous les ecclésiastiques en mai/juin 1792.

C’était dresser l’ancienne église contre la nouvelle.

Un fossé se creuse, une profonde déchirure que seule la mort des différents protagonistes pourra effacer. A la Restauration, malgré les assurances du Concordat, l’épiscopat qui n’avait rien pardonné, exigera une rétractation des prêtres assermentés encore en vie.

Il y eut alors :

  • Les prêtres assermentés dits sermentés, jureurs ou constitutionnels, considérés par la population souvent comme des intrus.
  • Les prêtres insermentés ou réfractaires, bientôt pourchassés comme des criminels.

Le chanoine Le Floc’h archiviste de l’évêché, donne les chiffres suivants pour le diocèse dans ses limites actuelles : 206 prêtres prêtèrent serment sur 944, soit 21,8 %, 50 % chez les religieux, 100 % à l’abbaye de St- Mathieu (les 4 pères et le frère convers).

Le clergé breton était acquis dans sa plus grande partie aux idées nouvelles et le refus fut celui d’une rupture avec Rome.

Au cours des périodes révolutionnaires, il y eut plusieurs formules de serment, dont seules les deux premières étaient schismatique.

Le Recteur

Le recteur, René Kermergant est né à Plouarzel le 26 mars 1738, prêtre le 10 avril 1762, recteur de la paroisse de Plougonvelin et de la trêve de Lochrist - Le Conquet en 1779.

Insermenté, il doit laisser la place à Le Corre, curé constitutionnel nouvellement élu.

Le 25 juillet 1791, la municipalité du Conquet fait notifier par son secrétaire - greffier, à René Kermergant qui s’est retiré à Plouarzel, l’arrêté du 21 avril 1791, du Directoire du département, qui oblige, sous huitaine, les curés réfractaires remplacés, à quitter leur paroisse et à se retirer au moins à quatre lieues ’sous peine, en cas de désobéissance, d’être réputés perturbateurs de l’ordre et poursuivis suivant tout la rigueur de la loi.’

Le messager ne trouvera que la cousine à son domicile dit le procès-verbal.

Les 27 et 28 juillet 1791, une expédition de patriotes partie de Brest, sans autre mandat que leur zèle, l’arrête à Plouarzel.

Enfermé à Brest à l’ancien couvent des Carmes, il en sort le 27 septembre amnistié en raison de l’acceptation de la Constitution par le Roi.

En ces temps, les prisonniers payaient les frais d’arrestation et de détention, exceptionnellement la facture de 62 livres est acquittée par le district de Brest.

Pendant 6 ans, il erre dans le pays, avec la complicité de la population : ’un poisson dans l’eau’ suivant l’expression de Mao-Tsé-Toug.

En 1797, on peut lire sur les fiches de police toujours conservées sur les agissements des prêtres réfractaires : ’René Kermergant, ancien recteur de Lochrist, âgé de 60 ans ; retiré à Kervigny, il y dit la messe et les jours de grande cérémonie, il la dit chez la citoyenne Kerallet au Conquet ; il est toujours vêtu en paysan’. On ajoute que ce réfractaire est considéré par ceux de sa sorte comme grand vicaire de la Marche, ci-devant évèque de Léon.

En septembre 1799, ’le culte va être réorganisé, la forte main de Bonaparte agit, le Concordat (1801) peu à peu se prépare. Le citoyen général Debelle, commandant en chef de l’aile gauche de l’armée de l’Ouest ayant enjoint à tout prêtre caché de déclarer le lieu de son domicile’, René Kermergant s’empresse d’y déférer. Recteur de Plouarzel au Concordat, il y mourut le 23 juin 1810.

Le Vicaire

François Morvan est né à Lanildut le 13 février 1749, prêtre le 22 septembre 1781, vicaire de la paroisse de Plougonvelin en 1783.

Le 17 février 1791, il déclare devant les officiers municipaux de Plougonvelin n’avoir pas l’intention de prêter le serment civique. Cette résolution ne dura pas longtemps devant l’attrait d’une cure.

Le 2 mars 1791, nous soussignés, maire et officiers municipaux, notables de la municipalité de Plougonvelin, déclarons.. que, selon l’article 3 concernant le serment à prêter par les ecclésiastiques fonctionnaires publics, François Morvan a aujourd’hui, à l’issue de la grand’messe de Plougonvelin, en notre présence et celle des fidèles, prêté le serment en ces termes : connaître Dieu, observer sa loi et les lois humaines à toujours été mon devoir ; je sais qu’il n’y a pas de puissance qui ne vienne de Dieu ; en cela, je jure d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, de soutenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale, de m’acquitter avec soin des devoirs de mon état.

Il y avait beaucoup de postes à pourvoir et peu de candidats.

Il fut élu par les électeurs du district de Brest, curé de Plouzané. Il prit possession de sa paroisse le 12 juin 1791. Jusqu’à cette date, c’est lui qui assura en tant que sécrétaire-greffier la rédaction des délibérations du nouveau conseil municipal de Plougonvelin.

Il eut à subir touts sortes d’avanies et de vexations qu’il s’attirait d’ailleurs par ses tracasseries et ses dénonciations’.

Le 17 avril 1792, le district de Brest doit, pour calmer les paroissiens surexcités, envoyer à Plouzané 600 hommes de troupe et 2 canons, en garnison, aux frais de la municipalité.

En fin 1793, l’église constitutionnelle disparaît à Plouzané ; Morvan doit se retirer à Lanildut en compagnie de son ami Morel, curé de Ploumoguer, qui comme lui était chassé par ses paroissiens.

A cette occasion, le douanier que l’on délogea, pour le leur donner, du presbytère, se plaignit au district qu’on le mettait lui, serviteur dévoué, dans le nécessité de céder la place à 2 prêtres voltigeurs, généralement méprisés’. Je ne sais ce que le douanier entendait par prêtres voltigeurs, mais ce n’est certainement pas aimable.

Nommé recteur sur place au Concordat, il y mourut le 5 octobre 1803.

Le prêtre habitué

Le prêtre habitué était un prêtre résidant sur place, sans fonctions paroissiales.

Yves Joseph Quéré est né à Ploumoguer le 16 avril 1752, ordonné prêtre le 4 avril 1778. Insermenté.

Après le départ du vicaire en titre, François Morvan, il assure le service du culte à l’église paroissiale de Plougonvelin.

Le 6 juillet 1792, le climat devenant malsain et craignant d’être arrêté, il disparaît. Le Corre, le curé constitutionnel signale immédiatement au district ’l’évasion du sieur Quéré, desservant la dite paroisse’ et en prend prétexte pour faire fermer l’église de Plougonvelin, à la place de celle de Lochrist où il avait son presbytère.

Il reste dans le pays, assurant son ministère, protégé par la population dans laquelle il se fond. Réputé ’réfractaire et fugitif’ le mobilier de la maison qu’il habitait à Plougonvelin est vendu aux enchères pour une somme totale de 3001ivres, le 10 juin 1798.

En 1797, des fiches de police signaient que ’Quéré dit la messe à St Jean et Trébabu’.

Comme le recteur de Plougonvelin, il refait surface à l’appel d’amnistie du général Debelle en septembre 1799. Immédiatement le conseil municipal de Plougonvelin prend une délibération, le 28 septembre 1799, décidant que ’... la chapelle St Jean n’offre point un local suffisant pour y recevoir les personnes que leur confiance au prêtre qui y dessert leur culte appelle dans cette chapelle ; que plus de la moitié du nombre de ces personnes serait obligée de demeurer sous l’injure du temps, qu’au contraire toutes pourraient, sans ce désagrément se rassembler dans l’église ci-devant paroissiale, que n’est fréquentée que par une soixantaine de citoyens tout au plus ; que la minorité doit dans tous les cas céder à la majorité, et que, d’ailleurs, le maintien du bon ordre et de la tranquillité exige la mesure à la quelle se détermine le maire et adjoints, arrêtent que la citoyen Léaustic, prêtre exerçant ses fonctions dans la ci- devant église paroissiale, les exercera désormais dans la chapelle St Jean ; que le citoyen Joseph Quéré, prêtre catholique, desservant actuellement cette chapelle, desservira la ci-devant église paroissiale...’.

Signé Le Bail, maire.

Le vent avait tourné. L’ancienne église constitutionnelle ne faisait plus recette et l’église catholique relevait la tête.

Le citoyen Léaustic, dont il est question, est Claude Léaustic, enfant de Plougonvelin, né à Kériel, vicaire constitutionnel ordonné pendant la Révolution. Il avait également un frère diacre à l’époque. Les prêtres formés par l’église constitutionnelle étaient de recrutement indifférent et de ’formation professionnelle accélérée’ : on faisait feu de tout bois ! Un évêque constitutionnel à qui l’on reprochait ce clergé médiocre répondait : ’Quand on n’a pas de chevaux, on laboure avec des ânes’.

Y. Quéré fut vicaire de Plougonvelin au Concordat et mourut recteur de Trébabu le 29 mars 1825.

Le chapelain

Jean Le Drevez est né le 21 novembre 1743 à Ploumoguer. En 1771, il obtient les chapellenies de St Yves et St Jean à Plougonvelin.

Les chapellenies étaient des fondations comprenant des bénéfices ou revenus, et un lieu de culte, en échange d’un nombre de messes célébrées.

Il y avait 3 chapellenies à Plougonvelin, la chapelle St Jean, fondation Kerannou qui existe toujours, une chapelle actuellement disparue à St Yves et une autre à Ty Baol . Cette dernière était attribuée aux religieuses du Refuge de la marine à Brest.

En même temps, il exerce des fonctions paroissiales à Lamber, puis à St-Mathieu. A la Révolution, il est vicaire à Recouvrance.

Refuse ce serment en 1791. Est emprisonné aux Carmes, à Brest d’où il est libéré au bout de 3 mois. Echaudé, se retire et se cache à Ploumoguer sa commune natale.

’Vendu par le jacobin Hervé Jézequel du Pouldu, dont Morel (le curé constitutionnel) semble avoir été complice, il fut saisi à Kerouant le 13 décembre 1793 après avoir administré les derniers sacrements à une malade...’.

Jézequel, la République ne payant pas ses dettes, dut réclamer la prime de 100 livres donnée à tout dénonciateur de prêtre réfractaire. Cette somme, avec la disparition de la monnaie métallique d’or et argent, ne représentait pas grand chose en assignats : à l’époque, au Conquet, la réquisition pour la remonte de l’armée payait 450 livres un cheval ! C’était estimer bien peu cher la paix d’une conscience et le poids d’une vie.

Le 24 mai 1794, Jean Le Drevez est condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Brest, et décapité le jour même : il mourut pour avoir voulu rester fidèle à l’église catholique romaine.

Le tribunal révolutionnaire de Brest était de structure coloniale : ses principaux membres, y compris l’exécuteur public, étaient étrangers au pays.

Il avait été installé par Jean Bon-Saint-André, représentant en mission de la Convention, originaire de Montauban.

Le président Ragmey, précédemment juge à Paris était de Lons-le-Saulnier.

L’accusateur public Donzé-Verteuil, ex noble et ex jésuite venait de Belfort.

Quant au bourreau, Ance, on ne sait où il est né. C’était un créole déporté à Rochefort, de Saint Domingue insurgé.

Dans les périodes troublées, les choix sont difficiles : des prêtres constitutionnels furent des hommes de bonne volonté, craignant et servant Dieu, tel par exemple l’abbé Grégoire, évêque de Blois qui tenta de réconcilier les deux fractions de l’église.

La conclusion peut être le titre du film tiré de l’ouvrage de Henri Quéffelec, Un Recteur à l’île de Sein, ’Dieu a besoin des hommes’, de tous les hommes.

Yves Chevillotte