Accueil

Association PHASE

Accueil > Histoire ancienne de Plougonvelin > Objets, lieux et sites > Lochrist, trêve de la paroisse de Plougonvelin

Lochrist, trêve de la paroisse de Plougonvelin

L’ancien bourg, l’église

Le village d’origine s’est bâti selon la coutume des populations côtières de l’époque, à quelque distance de la mer, sur une hauteur, de façon à voir arriver l’ennemi et organiser la défense, ou fuir en emportant ses biens les plus précieux.

Les historiens associent volontiers les appellations de lieux bretons en Loc-Christ ou dédiés à la Vraie-Croix ou à la Sainte-Croix, à l’existence de moines templiers dans la région. L’église de Lochrist, trêve de Plougonvelin, s’appelant église Sainte-Croix, nous admettrons donc que le petit bourg a pris son nom actuel dans le courant du XIIe siècle.

Succédant à l’établissement religieux d’origine, l’église de Lochrist, trêve de Plougonvelin, a été bâtie au début des années 1500.

Le bilan de la descente anglo-hollandaise de 1558, quand environ dix-mille soldats débarquèrent le matin aux Blancs-Sablons, ravagèrent tout du Conquet à Lochrist, Saint-Mathieu et Plougonvelin pour retrouver leurs navires le soir à Bertheaume, fait état de quantité de maisons détruites mais ne signale pas de dégâts à l’église.

Cliquez pour zoomer
Le rapporteur reste aussi muet sur le nombre des victimes. L’église on le sait n’était pas terminée puisque la flèche de son clocher n’a été édifiée qu’au début du XVIIIe. Le monument est achevé en 1727, grâce à une généreuse donatrice et au concours bénévole de certains paroissiens. L'évènement est rapporté par le recteur de l'époque dans le registre de l'état-civil de 1727 :
« La même année que dessus, a été finie la tour de l'église de Lochrist qui était imparfaite, puisqu'elle était élevée seulement jusqu'à la première chambre, et est demeurée dans cet état plus de deux cents ans, et elle a été rendue dans l'état où elle est à présent sans qu'il n'en ait rien coûté à la fabrique de Lochrist ni aux habitants du Conquet.
Les tréviens de la campagne, plus zélés, ont fait le charroi gratis et cela par les soins du recteur qui régnait en ce temps et les deniers d'une personne dévote qui mérite qu'on prie pour le repos de son âme. Requiescat in pace
»

Sous l’ancien régime, on enterrait les morts dans les églises, ce qui, avec la putréfaction des cadavres, générait des odeurs pestilentielles et provoquait parfois des épidémies. Dans les années 1980, des travaux sur la place de Lochrist ont mis à jour une succession de tombes orientées est-ouest, aux squelettes parfaitement conservés. Cet alignement correspondait à l’allée centrale de la nef de l’ancienne église, ou à l’un des collatéraux, ce qui est confirmé par le plan cadastral de 1841.

Différents édits royaux et arrêts du Parlement de Bretagne ont réussi au cours du XVIIIe à interdire ce mode d’inhumation dangereux pour la santé des fidèles, sauf pour les familles possédant des enfeus. Les « enfeus» sont des niches funéraires ménagées dans les murs. Ils sont souvent surmontées d’un arc ou d’une accolade portant un blason sculpté. Les pierres d’enfeus portant le blason de la famille « Maucarze» d’or à trois roses de gueules et celui (bien effacé) de la famille Mol figurent toujours dans l’inventaire de l’ancien musée du Conquet.
L’église de Lochrist renfermait le tombeau de Dom Michel Le Nobletz, célèbre prédicateur breton, né à Plouguerneau en 1577, mort au Conquet « en odeur de sainteté » en 1652 et inhumé dans l’enfeu de la famille du Halgouët, jusqu’au transfert de ses restes en 1701 dans un tombeau au chœur de l’église, en présence de Mgr Le Neboux de la Brosse, évêque et comte de Léon. En 1750, une statue en pierre blanche due au ciseau de Caffieri fut installée sur le mausolée.

_ Epargné par la Révolution, le monument se trouve aujourd’hui dans l’église du Conquet.

L’église paroissiale fermée au culte pendant les époques troublées de la Révolution devint un temps atelier salpêtrier, mais l’exploitation non rentable fut rapidement abandonnée.

Au milieu du XIXe, l’édifice vétuste nécessitait d’importants et coûteux travaux de réfection. Au bout de cinq ans de querelles entre les bourgeois de la ville du Conquet et les gens de la campagne, l’église de Lochrist fut démolie, les matériaux réutilisables servirent avec de la pierre des carrières Laber-Ildut à l’édification d’une nouvelle église sur plan Le Bigot, au bourg du Conquet.

Le cimetière

On peut y voir :

  • deux croix anciennes, une du XVe à l’entrée sud (porte principale qui donnait sur le parvis de l’église), d’un côté le Christ en croix, de l’autre une vierge à l’enfant, les motifs sont très effacés. Dans la partie est, sur un socle à deux marches, une croix plate du XVIe en schiste, comme il y en a plusieurs dans la région.
  • la stèle à la mémoire de la famille Reed, William le père, Margaret la mère, Alice la fillette, qui ont péri dans le naufrage du Drummond Castle le 16 juin 1896. Pour mémoire, le paquebot anglais pris dans la brume a heurté une roche aux Pierres-Vertes dans le Fromveur, entre Molène et Ouessant. 241 victimes, 3 survivants. (Il faut visiter le musée du Drummond Castle à Molène). L’obélisque porte la marque du sculpteur Jules Poilleu de Brest.
  • - La chapelle de Saint-Michel ou de l’Ange-Gardien, elle date sans doute du milieu XVIIIe. Récemment restaurée, elle renferme quelques statues dont un « Saint-Jérôme » portant à la main la pierre dont il se frappait pour se punir d’avoir péché et un « Saint-Michel » terrassant à ses pieds un démon, figuré par un personnage contorsionné qui ressemble à un pirate.

    - Tombes anglaises

    En poursuivant vers le sud-ouest de la chapelle, quatre petites tombes blanches attirent l’attention Ce sont des sépultures d’aviateurs abattus pendant la seconde guerre mondiale.

    Le port de Brest où sont alors basés les grands navires de guerre allemands qui écument l’Atlantique, constitue une cible prioritaire pour l’aviation alliée.

    Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1943, un bombardier Wellington anglais qui revenait d’avoir largué des mines au large du Toulinguet, touché par la DCA ou en panne de moteurs, est tombé dans la baie de Porsliogan, entre Saint-Mathieu et Le Conquet.

    Trois hommes qui ont gagné le rivage à bord d’un radeau de survie, sont abattus par des soldats allemands, un quatrième chute et se tue en essayant d’escalader la falaise à gauche de la plage, le cinquième, le lieutenant Frank Darbyshire, bombardier, ne sera jamais retrouvé.

    Avec l’autorisation de l’occupant, les corps du pilote, le lieutenant-colonel JJ Owen, anglais, du navigateur, le lieutenant E.H Swain, anglais, du radio, le sous-lieutenant A.M Long, canadien, du mitrailleur, le sous-lieutenant J.F Ray, anglais, ont été inhumés à Lochrist le 8 juillet, en présence d’une foule recueillie, et d’un peloton de soldats allemands en armes, rendant les honneurs militaires.

    ++++

    Le caveau Tissier

    Un peu au nord, l’œil est attiré par un caveau, une croix de mission et un monument particulier, sorte de clocher de chapelle en miniature.

    Le monument funéraire, caveau de la famille Tissier. Le nom de Tissier est associé au Conquet et sur les côtes nord du Finistère à la récolte du goémon et à l’industrie de l’iode.

    Dans le mausolée on remarque principalement les plaques commémoratives de :

    - Nicolas Tissier, né à Lyon en 1775, mort à Brest en 1847, inhumé à Lochrist en 1851.

    Docteur ès sciences, pharmacien en chef des armées de Napoléon, professeur de chimie de la ville de Lyon, Membre de plusieurs sociétés savantes françaises et étrangères.

    - François Benoît Tissier, né à Lyon en 1803, mort au Conquet en 1873, chimiste-manufacturier, chevalier de la Légion d’honneur, maire du Conquet de 1870 à 1873, conseiller général du Finistère

    - Frédéric Alexandre Tissier, Né à Paris le 4 mars 1827, mort au Conquet le 5 octobre 1878, chimiste-manufacturier, propriétaire du journal « Le Républicain du Finistère », franc-maçon, chevalier de la couronne d’Italie, maire du Conquet de 1876 à 1878, conseiller général du Finistère.

    C’est François Benoît Tissier qui a lancé en 1830 dans son usine du Conquet la production industrielle de l’iode créant une nouvelle population de gens de terre et de mer : «  les goémoniers  ».

    De nombreux livres et articles traitent du sujet. Je rappelle seulement ici la chaîne :

    des « paysans-marins » récoltent en bateaux les laminaires qu’ils détachent du fond de l’eau avec une longue faucille emmanchée.

    Les algues sont séchées sur les dunes côtières, puis incinérées dans des fours, longues rigoles tapissées de pierres plates, les cendres compactées prennent le nom de « pain de soude », elle sont amenées à l’usine Tissier au fond de la ria du Conquet au lieu-dit Poulconq.

    Différents traitements permettent d’en extraire le précieux iode, qui en solution dans de l’alcool donnait la teinture d’iode, l’antiseptique universel dont les armées faisaient une très forte consommation.

    C’est ainsi que la famille Tissier s’est prodigieusement enrichie, possédant bientôt en quantité terres, maisons, fermes, jardins, parcs, tant au Conquet, qu’à Plougonvelin, Ploumoguer, Plouarzel et dans les îles de l’archipel de Molène.

    La transition avec le monument voisin se fait d’elle-même puisque la « croix de mission » qui porte la date « Mission 1873 » a été érigée aux frais de Tissier aîné, conseiller général, monsieur Toulemont étant recteur et monsieur Taniou, trésorier, comme on arrive encore difficilement à lire sur le socle de la colonne.

    La famille Tissier a d’ailleurs fait beaucoup de dons à la commune du Conquet, entre autres, le terrain pour bâtir la nouvelle église, l’autel de ce monument, la maison d’école qui fut aussi mairie etc…

    Monument à Le Gonidec

    « Piou eo ar Gonidec ? » demandait Anatole Le Braz à un menuisier de Lochrist le 12 octobre 1913, et celui-ci de répondre « Douetuz eur Zaoz  », manifestant son ignorance. Et pourtant ce jour-là on célébrait en présence de nombreuses personnalités religieuses et civiles, la restauration et l’embellissement du monument élevé sur la tombe du rénovateur de la langue bretonne.

    Jean François Marie Maurice Agathe Le Gonidec est né au Conquet en 1775, fils de Charles Robert Le Gonidec, chevalier, commis de la ferme des devoirs. Sa femme décédée, le père de l’enfant l’abandonna. Il fut recueilli à l’âge de trois ans par madame de Kersauzon sa marraine, au château de Kerjan-Mol (Trébabu).

    Plus tard il fit ses études au collège de Tréguier.

    Emprisonné comme aristocrate pendant la Révolution, il fut libéré en décembre 1794.

    Olivier Le Gall « Le Gonidec et son tombeau 1845 », enjolive cette période de la vie de son héros :

    « Le Gonidec est conduit à Brest, on le jette dans un cachot, il est condamné à mort. Un coup de main audacieux le délivre comme on le conduisait au supplice ; la femme d’un fougueux terroriste le cache pendant quelques heures, il se rend sur la côte et un pêcheur se hasardant à passer sur la mer, le débarque sur le rivage de la Cornouaille insulaire. »

    Plus tard rentré clandestinement en France, Le Gonidec aurait été lieutenant-colonel de bandes de chouans dans l’ouest de la France. Bénéficiant de l’amnistie du 18 brumaire 1804, il quitte la Bretagne pour Paris, sa vie littéraire commence tandis qu’il travaille au quotidien pour l’administration forestière.

    - En 1806, il publie une étude sur la similitude des noms de lieux et patronymes en Bretagne, Ecosse, Irlande, Pays de Galles et Cornouaille Anglaise.

    - 1807, il rédige une grammaire bretonne

    - 1819, il publie un dictionnaire celto-breton

    - 1821, parution du dictionnaire breton-français complété plus tard par La Villemarqué

    - 1827, en collaboration avec deux pasteurs gallois il traduit la bible en breton

    On lui doit aussi des traductions de livres pieux en breton, « Katekiz historik de Fleury, Testamant coz, Testamant nevez etc…

    - 1838, il anime avec La Villemarqué, Brizeux, Price et Jones, le « Mouvement de la Renaissance celtique ».

    Mort à Paris le 12 octobre 1838, il est inhumé au cimetière de Montmartre.


    Ses amis, Brizeux, La Villemarqué, Souvestre, Pol de Courcy… lancent alors une souscription pour lui élever un monument dans son pays natal.


    En 1845, une stèle est dressée à la mémoire de Le Gonidec dans le cimetière de Lochrist. Ses cendres arrivées de Paris par la malle-poste dans un sac, sont placées dans le tombeau qu’on a préparé à cet effet et sur lequel on peut lire :


    Peûlvan diskit d’ann holl hano ar Gonidek
    Den gwisiek ha für, tad ar gwir breïzonek
    Pierre apprends à tous le nom de Le Gonidec
    Homme savant et sage, père du véritable breton.

    Les années ont passé depuis, l’œuvre de Le Gonidec est tombée dans l’oubli, du moins de ce côté-ci du « Channel  », car depuis que la commune du Conquet est jumelée avec celle de Llandeilo au pays de Galles, les délégations galloises ne manquent pas le détour par le cimetière de Lochrist.

    Jean Pierre Clochon pour Phase (Octobre 2006)