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Les chemins creux
Quelques chemins creux existent encore chez nous. Jadis ils reliaient les hameaux entre eux.
Situés au plus bas des dénivellations naturelles du terrain, ils étaient souvent mouillés par le ruissellement de la pluie. Les talus qui, tout en abritant du mauvais temps les enfants sur le chemin de l’école, étaient un paradis pour les oiseaux, les insectes, le gibier et les fleurs sauvages qui se ressemaient au gré du vent. De minuscules trouées dans la végétation nous rappelaient le passage nocturne du lièvre, du renard ou de la belette…
En hiver, les flaques d’eau et le piétinement des troupeaux transformaient le chemin en grande mare (ar poull dour); il fallait alors grimper sur le talus par une sente qui longeait le passage critique et permettait ainsi de garder les pieds secs. |
Il y avait aussi les voies charretières utilisées par les paysans pour accéder aux champs avec leurs tombereaux. Le piétinement des troupeaux entretenait une boue bien compacte qui collait aux sabots et aux jambes ; les charrettes s’y embourbaient, parfois, jusqu’au moyeu et les vaches jusqu’au ventre. Les roues creusaient de chaque côté deux profondes ornières « ar skoazellou » entre lesquelles les chevaux imprimaient le dessin de leurs fers. Quelques fois un peu d’herbe poussait entre l’ornière et le centre du chemin ce qui facilitait au piéton les passages boueux. |
Par endroit, un délaissé communal appelé « ar vali-hent » (boulevard sur le chemin) que l’on prononçait chez nous « balissen » ou « lédannou » (plus large) ou « pradigou » (les petits prés) permettaient à deux attelages de se croiser : souvent des troupeaux s’y attardaient pour brouter une dernière fois, sur le chemin de l’étable.
Pour diminuer les distances, l’usage permettait de traverser les champs par des sentiers ; chaque labour les effaçait et il fallait les redessiner en marchant dans la terre fraîche. En breton on appelait « ranvan »le passage, autre que le chemin, qui permettait le cheminement d’une seule personne ou d’un animal, à la fois. Quand un « ranvan » traversait plusieurs champs à la suite, quelques marches creusées à même le talus, sur les deux côtés et surmontées au sommet d’un rondin de bois ou d’une pierre, formaient le « Pos-Kae » (par-dessus le talus). Cet escalier se voyait aussi près des barrières, ce qui évitait de les ouvrir au risque de laisser s’échapper les animaux.
La brèche faite dans le talus pour y faire passer les tombereaux, « an odé-Garr », que l’on prononçait chez nous « oadé », était condamnée par une barrière, « an drav », de lattes ou de rondins de bois : celle-ci était solidement fixée sur un côté. Une grosse pierre, creusée en son milieu, supportait l’axe d’un poteau, lui permettant de pivoter tandis que le haut était prisonnier dans une pierre percée, incluse dans la construction même du talus.
Lorsque, accidentellement, un passage était creusé sur un talus, soit par un animal soit par un homme (par exemple un chasseur) il se formait un « ribin » qui devait être vite réparé pour éviter la dispersion des animaux dans le champ du voisin.
Le dimanche, on chaussait les sabots de bois jusqu’à l’entrée du bourg et on mettait ensuite les chaussures légères qui jusque là étaient portées à la main. Les sabots sales, cachés dans un fourré, attendaient l’heure du retour.
Si vous avez le bonheur de vous promener sur ces chemins respectez les et pensez aux générations qui vous ont précédés.
Bernadette Le Ru pour P.H.A.S.E.
Version imprimablePublié dans les Echos de Plougonvelin de juillet-août 2007